- TRIBUNAUX JUDICIAIRES
- TRIBUNAUX JUDICIAIRESTRIBUNAUX JUDICIAIRESOn sait que l’Ancien Régime était caractérisé par la multiplicité des juridictions et par la compétence concurrente de juridictions de droit commun et de juridictions d’exception. L’organisation judiciaire de l’Ancien Régime fut abrogée au cours de la nuit du 4 août 1789. Quelques jours plus tard, les lois des 16 et 24 août 1790 créèrent une organisation judiciaire nouvelle, avant tout caractérisée par la proximité matérielle et intellectuelle du juge et du justiciable. C’est ainsi que fut créée dans chaque canton une justice de paix dont la mission était essentiellement une mission de conciliation. Des tribunaux de district furent établis au-dessus des justices de paix et l’ensemble de l’organisation judiciaire de cette période, dite période intermédiaire, fut coiffé par un tribunal de cassation, créé par les lois des 27 novembre et 1er décembre 1790 et destiné à assurer l’unification de la pensée juridique des différentes juridictions analysées. Le deuxième caractère de l’organisation judiciaire française de la période intermédiaire est celui de l’appel circulaire; en effet, les jugements rendus par les différents tribunaux étaient en appel infirmés ou confirmés par une juridiction de même degré, processus d’application difficile et qui ne devait pas survivre au droit intermédiaire. Le troisième caractère de ce droit concerne l’élection des juges: pratiquée encore dans certains pays à des degrés divers (pour la cour suprême de justice dans les pays socialistes), elle fut assez peu concluante; investi d’un mandat quasi politique, le juge n’était plus assez libre vis-à-vis des justiciables qui l’avaient élu pour rendre une justice équitable. Aujourd’hui, l’élection des juges n’existe plus que pour certaines juridictions d’exception telles que les tribunaux de commerce ou les juridictions prud’homales. Enfin était créé l’arbitrage, destiné à accélérer le cours de la justice; mais l’arbitrage conduisit aussi à des abus et son caractère obligatoire dans les litiges familiaux s’avéra fort décevant.Le Directoire et le Consulat modifièrent cette organisation judiciaire sur certains points: aux tribunaux de district furent substitués des tribunaux départementaux, puis des tribunaux d’arrondissement; l’arbitrage fut réduit; la justice de paix fut confiée à des gens possédant une connaissance suffisante du droit; enfin et surtout, la loi du 27 ventôse an VIII institua des tribunaux d’appel; d’horizontal, l’appel devenait vertical, soit tel que nous le connaissons. En outre, aux tribunaux de commerce qui avaient survécu à la tourmente furent adjoints des conseils de prud’hommes chargés de connaître des litiges entre employés et employeurs; au reste, des conseils de prud’hommes existaient déjà dans la région lyonnaise où ils fonctionnaient dans l’industrie de la soierie. Des différentes réformes résulta la loi sur l’organisation de l’ordre judiciaire et l’administration de la justice du 20 avril 1810; c’est, dans ses grandes lignes et exception faite des juridictions d’exception qui proliférèrent jusqu’à nos jours, le système actuel. Quant aux tribunaux d’arrondissement, ils furent l’objet de remaniements divers jusqu’aux réformes de 1958.L’organisation judiciaire actuelle se caractérise par un certain nombre de principes. Le premier est la séparation des pouvoirs entre l’exécutif, le législatif et le judiciaire; on discute cependant sur le point de savoir si le judiciaire constitue depuis 1958 un pouvoir ou une autorité, mais cette division tripartite n’est pas empreinte d’une rigidité excessive et le champ de manœuvre du judiciaire n’est pas exclusif de ce pouvoir. Le second tient à ce que la justice est un service public: toute personne doit donc pouvoir obtenir une décision de justice. Si le juge se dérobe à son obligation de juger, il encourt des sanctions disciplinaires, civiles et pénales: il y aurait déni de justice. Quant au plaideur qui n’aurait pas les moyens de subvenir aux frais principaux et annexes d’un procès, la loi a institué un système d’assistance judiciaire transformé en 1970 en aide judiciaire. Troisième principe, le service public de la justice, du moins pour les cas urgents, doit donc connaître une continuité; ce principe admet cependant quelques atténuations et ainsi la juridiction d’exception que constitue le tribunal paritaire des baux ruraux se réunit au cours de sessions et non pas de façon permanente. L’urgence même de la demande doit pouvoir être respectée; le juge des référés peut être saisi sur le champ, même la nuit, d’une quelconque demande si celle-ci présente un caractère d’urgence et si elle ne tranche pas le fond du litige dont la connaissance est bien sûr réservée au juge ordinaire.Depuis 1958, la loi distingue deux degrés de juridictions: les tribunaux de première instance et la cour d’appel. Avant cette date, l’organisation judiciaire connaissait un appel en palier, les décisions de la justice de paix étant soumises au tribunal civil dont les décisions étaient elles-mêmes soumises à la cour d’appel; depuis 1958, toute décision rendue en première instance frappée d’appel est soumise à la cour d’appel. Les juridictions de première instance sont à nouveau divisées en deux: celle de droit commun et celles d’exception. La juridiction de droit commun est le tribunal de grande instance (ex-tribunal civil). Le ressort de ce dernier ne correspond pas nécessairement à une circonscription administrative; si tout chef-lieu de département possède un tribunal de grande instance, certains départements en possèdent plusieurs. Composé d’une ou de plusieurs chambres ayant à leur tête un président possédant des fonctions extra-judiciaires et judiciaires, ce tribunal peut être formé en audience publique ou en chambre du conseil; une de ces chambres peut être spécialisée en matière pénale: c’est la chambre correctionnelle. Les juridictions d’exception sont nombreuses; parmi les plus importantes, citons le tribunal d’instance (ex-justice de paix), les tribunaux de commerce et les conseils de prud’hommes; d’autres petites juridictions d’exception existent, tels les tribunaux paritaires des baux ruraux et les commissions de Sécurité sociale. Les décisions rendues par ces différentes juridictions de première instance sont tranchées par des cours d’appel, qui peuvent être formées en audience ordinaire, solennelle ou en assemblée générale.C’est au pénal que les juridictions d’exception posent un problème grave, d’autant plus qu’elles statuent généralement en premier et dernier ressort. On sait qu’à une pression quelconque sur les magistrats siégeant dans les juridictions répressives de droit commun, les gouvernements ont souvent préféré, en période de crise, la création de juridictions d’exception, expéditives et dociles; ce principe est la plupart du temps lié à la forme du gouvernement. La France a connu, quant à elle, bien des juridictions répressives d’exception, de circonstances, telles les deux dernières en date, la Cour militaire de justice et la Cour de sûreté de l’État. La Cour militaire de justice excluait toute voie de recours contre ses décisions et le Conseil d’État annula dans l’arrêt Canal l’ordonnance qui l’avait créée. Mais tandis qu’une loi du 15 janvier 1963 créait la Cour de sûreté de l’État, une loi du 20 février 1963 prolongeait, dans le temps, la vie de la Cour militaire de justice. La Cour de sûreté de l’État, finalement supprimée en 1982, restreignait considérablement les garanties données à l’accusé: les audiences notamment n’étaient pas publiques; tout appel demeurait impossible. La Haute Cour de justice était, suivant la Constitution du 4 octobre 1958, la juridiction s’appliquant au président de la République lorsqu’il est accusé du crime de haute trahison, et aux membres du gouvernement lorsqu’ils sont accusés ou prévenus d’un crime ou d’un délit commis dans l’exercice de leur fonction. Depuis la réforme constitutionnelle du 27 juillet 1993, c’est la Cour de justice de la République qui connaît des poursuites pénales engagées contre ces derniers. La procédure de la Haute Cour de justice — entièrement aux mains des parlementaires — explique pour beaucoup la traditionnelle impunité de fait dont ont bénéficié les gouvernements depuis la IIIe République. Cette juridiction d’exception n’est plus maintenue que pour le cas de haute trahison du chef de l’État. Absents en temps de paix sur le territoire de la République, les tribunaux des forces armées sont assez proches des tribunaux de droit commun. Les tribunaux maritimes commerciaux garantissent les principaux droits de la personne qui comparaît devant elle. Au-dessus de ce système se trouve la Cour de cassation qui n’est pas chargée de connaître le fait, mais uniquement le droit, et qui assure l’unité de l’interprétation de la règle de droit.
Encyclopédie Universelle. 2012.